«Tu hai una casa ed io non ho più un paese.» L’uomo che ha appena pronunciato questa frase, in una lingua che non conosco, è grande, molto grande; ma schiantato. La sua voce è sorda, come i canti che scorrono dal suo paese e le cui rive, che erano verdi, furono rosse. Laggiù, le città portano nomi di poemi e la loro eco non finisce di infrangersi.
L’uomo che non ha più un paese ha una voce che sentirò a lungo ancora dopo il suo silenzio. Ha vissuto da me tre giorni e due notti. Ha talmente fumato che ancora sto tossendo, tanto bevuto che le mie tre bottiglie di vodka non sono bastate. Mi ha fatto piangere quando ha detto: “un uomo che ha amato due volte non ha affatto amato.” Ha amato la sua donna al di là dei giorni e delle notti che ora non condividono più. Lei è morta il 1 febbraio 1998, una domenica, il giorno della Santa Ella, la Santa Lei. Lei era Lei per lui. A Sarajevo il cielo che viene dalla montagne, e che le moschee attraversano, era blu.
Lei è morta e poi, ogni mattino, Izet Sarajlic prende il suo caffè da solo. Dalle mura del loro appartamento Mikica lo vede camminare, in lungo e in largo, sul suolo e nella sua testa. Lei cresce nello studio, si sposa nella camera e muore nell’ingresso. Lui vive nella prigione delle sue fotografie che lo guardano e declinano la loro vita comune.
Che sia mille volte benedetta la decisione di Olga Lippautz
di venire a Sarajevo
dove ti diede alla luce.
Lei avrebbe potuto a Klagenfurt
incontrare un altro recptionniste.
Che sia mille volte benedetta
per aver cercato e trovato
la sua breve felicità in Petar Kalaš,
capo della réception dell’hotel Europa.
Che sia mille volte benedetto l’istante in cui Petar Kalaš
fece attraversare la soglia del suo appartamento di celibe,
pieno di souvenirs di Dalmazia ma fino ad ieri vuota,
alla sua giovane sposa.
Che ne sarebbe stato di me se entrambi
non si fossero amati
precisamente a Sarajevo?
Lei è bella. Me l’aveva detto. Tutti gli innamorati non lo proclamano? Non ha affatto mentito. Lei è molto bella. Ha stampato il suo viso sulla copertina di una sua raccolta di versi. Mi ha mostrato un paio delle sue scarpe di ragazza e, con la sua grande mano, l’ha portato fino alle sue labbra e l’ha abbracciato mormorando parole il cui senso attraversa tutti i linguaggi.
Di papà, a casa di mamma, non c’è che l’immagine sul cassettone. Lei si appoggia sulla sua spalla. Lui si appoggia contro il quadro. Hanno l’avvenire davanti. Ma, so che lei sapeva che per loro il tempo sarebbe stato contato. Sulla foto, questo non si vede. La minaccia è diluita nei suoi occhi di ragazzina, sulla sua fronte di ragazzo cresciuto. Gli si darebbe il paradiso senza confessione. Gli si darebbe quel che hanno avuto, ma non a lungo.
Durante l’assedio di Sarajevo, Izet era più felice di ora. Anche sotto le bombe, anche assediato, aveva ancora qualche gioia. Adesso, aggiunge, non ho più che il ricordo della gioia dopo che ho sotterrato al cimitero del Leone l’essere più importante della mia vita. Solo il passato esiste e la vita fa male. Fa male al mattino, a settant’anni, bere il mio caffè, da solo.
L’ho accompagnato sulla tomba di Mikica. Di tombe, ce ne sono undicimila di troppo a Sarajevo. Dall’alto delle colline si crede di vedere dei fiocchi di neve. Sono delle giovani croci bianche e di legno le cui date si racchiudono su se stesse tra il 1992 e il 1995, salvo quelle di Mikica. Lei è sopravvissuta alla guerra per morire in pace, il giorno dopo aver, insieme, finito di ripittare il loro appartamento. Si è stesa sul divano e non si è risvegliata se non nei suoi libri.
Come avremmo potuto invecchiare magnificamente
tu ed io,
senza questa follia nazionalista slavomeridionale.
Ed invece
di tutta la nostra vita
sono rimasti solo
questi nostri tristi incontri d’amore al cimitero del Leone.
Voglio dirti
quando sono più felice in questa mia infelicità:
quando al cimitero mi coglie la pioggia.
Mi piace da morire
inzupparmi insieme a te.
Già le due sorelle di Izet non erano sopravvissute alla fame. Già egli aveva scritto che non avrebbe potuto vivere senza essere fratello delle une. Ora dovrà continuare senza essere lo sposo dell’altra.
Sulla tomba di Mikica non ci sono croci bianche, ma una placca nera. La piccola quercia di Bretagna non potrà essere piantata. L’avevo trattata con amore. Avevo avvolto le radici con carta di giornale ed acqua. Nel deposito bagagli l’acqua si è rovesciata sui miei abiti della domenica. Credevo che tutti gli alberi di Sarajevo fossero stati bruciati, o fossero finiti in croci. Ma dopo sei anni, la vita avanza verde sul cielo blu. Benché lento, il viaggio della quercia spaccherebbe le tombe vicine.
Noi la pianteremo più tardi, in un cratere di obice, contro la morte che vi è caduta dentro.
Colui che ha amato due volte, non ha amato affatto… Colui che ha amato è morto lasciando la sua donna, mia madre, due volte più morta. E io l’ho visto, visto con le mie lacrime.
«Tu as une maison, et je n’ai plus de pays.» L’homme qui vient de prononcer cette phrase, dans une langue que je ne connais pas, est grand, très grand, mais cassé. Sa voix est sourde, comme les chants qui coulent de son pays et dont les rivières, qui étaient vertes, furent rouges. Là-bas, les villes portent des noms de poèmes et leur écho n’en finit pas de se briser.
L’homme qui n’a plus de pays a une voix que j’entendrai longtemps encore après son silence. Il a vécu chez moi trois jours et deux nuits. Il a tellement fumé que j’en tousse encore, tellement bu que mes trois bouteilles de vodka n’ont pas suffi. Il m’a fait pleurer quand il a dit: «Un homme qui a aimé deux fois n’a pas aimé.» Il a aimé sa femme au-delà des jours et des nuits que maintenant ils ne partagent plus. Elle est morte le 1er février 1998, un dimanche, le jour de la Sainte Ella, la Sainte Elle. Elle était Elle pour lui. À Sarajevo le ciel qui vient des montagnes, et que les mosquées traversent, était bleu.
Elle est morte et depuis, chaque matin, Izet Sarajlic prend son café seul. Des murs de leur appartement Mikica le voit qui marche, de long en large, sur le sol et dans sa tête. Elle grandit dans le bureau, se marie dans la chambre, meurt dans l’entrée. Il vit dans la prison de ses photographies qui le regardent et déclinent leur vie commune.
Que soit mille fois bénie la décision d’Olga Lippautz
de venir à Sarajevo
où elle allait te donner le jour.
Elle aurait pu à Klagenfurt
rencontrer un autre réceptionniste.
Qu’elle soit mille fois bénie
pour avoir cherché et trouvé
son bref bonheur en Petar Kalaš,
chef de la réception de l’hôtel «Europe».
Que soit mille fois béni l’instant où Petar Kalaš
fit franchir le seuil de son appartement de célibataire,
rempli de souvenirs de Dalmatie mais vide encore hier,
à sa jeune épousée.
Qu’en serait-il de moi si tous les deux
ne s’étaient pas aimés
à Sarajevo précisément?
Elle est belle. Il me l’avait dit. Tous les amoureux ne le proclament-ils pas ? Il n’a pas menti. Elle est très belle. Il a imprimé son visage sur la couverture d’un de ses recueils. Il m’a montré une paire de ses chaussures d’enfant et, avec sa grande main, l’a portée jusqu’à ses lèvres et l’a embrassée en murmurant des mots dont le sens traverse toutes les langues.
Chez maman, de papa, il n’y a que l’image sur la commode. Elle s’appuie sur son épaule. Il s’appuie contre le cadre. Ils ont l’avenir devant eux. Mais je sais qu’elle savait que le temps leur serait compté. Sur la photo, cela ne se voit pas. La menace est diluée dans ses yeux de petite fille, sur son front de grand garçon. On leur donnerait le paradis sans confession. On leur donnerait ce qu’ils ont eu, mais pas longtemps.
Pendant le siège de Sarajevo, Izet était plus heureux qu’il ne l’est aujourd’hui. Même sous les bombes, même assiégé, il y avait encore quelques joies. À présent, ajoute-t-il, je n’ai plus que le souvenir de la joie depuis qu’au cimetière du Lion j’ai enterré l’être le plus important de ma vie. Seul le passé existe et la vie fait mal. J’ai mal le matin, à soixante-dix ans, de boire mon café, seul.
Je l’ai accompagné sur la tombe de Mikica. Des tombes, il y en a onze mille de trop à Sarajevo. Du haut des collines on croirait voir des flaques de neige. Ce sont de jeunes croix blanches et de bois dont les dates se resserrent sur elles-mêmes entre 1992 et 1995, sauf celles de Mikica. Elle a survécu à la guerre pour mourir à la paix, le lendemain du jour où, ensemble, ils achevèrent de repeindre leur appartement. Elle s’est allongée sur le divan et ne s’est réveillée que dans ses livres.
N’avait été la folie nationaliste
qui s’est emparée des Slaves du sud,
comme nous aurions pu bien vieillir,
toi et moi.
Et voilà
que de toute notre existence il ne reste
que ces tristes rendez-vous d’amour au cimetière du Lion.
Je vais te dire
quand je suis le plus heureux dans mon malheur:
lorsque je me laisse surprendre par la pluie
parmi les tombes.
J’adore que nous prenions l’averse ensemble.
Déjà, les deux sœurs d’Izet avaient succombé à la faim. Déjà, il avait écrit qu’il ne pourrait pas vivre sans être le frère des unes. Maintenant il devrait durer sans être l’époux de l’autre.
Sur la tombe de Mikica il n’y a pas de croix blanche, mais une plaque noire. Le petit chêne de Bretagne ne pourra pas être planté. Je l’avais passé en douce. J’avais entouré ses racines de papier journal et d’eau. Dans la soute à bagages l’eau s’est renversée sur mes habits du dimanche. Je croyais que tous les arbres de Sarajevo avaient été brûlés, ou avaient fini en croix. Mais depuis six ans, la vie avance en vert sur le ciel bleu. Même lent, le voyage du chêne briserait les tombes voisines.
Nous le planterions plus tard, dans un trou d’obus, contre la mort qui est tombée dedans.
Celui qui a aimé deux fois n’a pas aimé. Celui qui a aimé est mort en laissant sa femme, ma mère, deux fois plus morte. Et je l’ai vu, de mes larmes vu.